Espace pédagogique innovations pédagogiques, des élèves médiateurs
La médiation par les pairs accompagnée par l'Aroéven Pays de la Loire : Les élèves du collège Debussy font part de leurs expériences.
Décembre 2017 site de l’Académie de Nantes
Le collège Debussy est un établissement d'une grande mixité géographique et sociale11 situé à Angers Nord. Il compte environ 400 élèves de la sixième à la troisième avec des sections ULIS et des classes de SEGPA. Les équipes éducatives ont la volonté d'améliorer le climat scolaire en mettant en place la médiation par les pairs. Comment et pourquoi mettre en place ce dispositif qui permet aux élèves de devenir des acteurs à part entière dans la prévention et la gestion des conflits ?
mots clés : échanger, médiations par les pairs, prévention, socialisation, processus éducatif, citoyenneté
ans les établissements où les incivilités et les violences sont nombreuses et en augmentation, le recours à la médiation par les pairs est devenu fréquent. C'est le cas au collège Debussy où la direction estime que le climat scolaire est fragile voire dégradé. En effet, il y a beaucoup de petits conflits et disputes entre élèves car il y a des soucis d'incompréhension, de langage, de culture. Ces micro-violences2 (vol de petit matériel, bousculade, insulte…) dégénèrent souvent en disputes et bagarres plus conséquentes, ce qui détériore très nettement le climat scolaire au quotidien et engendre très souvent des problèmes plus graves. La médiation par les pairs trouve ainsi sa place dès qu'une situation conflictuelle de ce type naît entre deux élèves. Elle est menée par des collégiens comme Anna et Romain, formés à la médiation par l'AOREVEN (Association régionale des œuvres éducatives et des vacances de l'Éducation nationale) qui vont chercher à trouver une solution "gagnant-gagnant", c'est-à-dire favorable aux participants. L'écoute, la parole et le dialogue sont les maîtres mots pour la résolution du conflit. Elle apparaît comme une alternative pour éviter des mesures disciplinaires plus lourdes. Elle constitue donc un véritable outil de prévention contribuant à l'apaisement du climat scolaire. Aussi, elle permet de développer la culture de la médiation sociale. Le collège devient alors un espace privilégié de l’apprentissage du "vivre ensemble" et, donc, un lieu de socialisation où l'on tente de faire comprendre aux élèves qu'en cas de conflit, on doit réagir autrement que par la violence physique et verbale.
La mise en place d'un projet de médiation par les élèves demande un long travail de préparation et d'organisation. C'est Madame Lebeau, professeure documentaliste de l'établissement qui se trouve être à l'origine de l'action. En 2013, elle soumet à la direction un projet officiel en partenariat avec l'AROEVEN. Il s'inscrit alors dans le cadre de la politique d'établissement avec le soutien du Principal et l'engagement d'une partie de la communauté éducative du collège. En effet, il est indispensable d'avoir un certain nombre d'adultes motivés pour encadrer en tant que médiateurs le dispositif et accompagner les élèves. Néanmoins, la culture de la médiation n'étant pas un réflexe dans un établissement scolaire, il est nécessaire de mener une vaste campagne d'informations auprès des personnels, des parents et, surtout, des élèves. "Il fallait leur faire comprendre ce qu'est la médiation scolaire, les motiver pour qu'ils deviennent médiateurs et leur donner envie de venir en médiation lorsqu'ils sont en conflit. C'est la condition indispensable si l'on entend agir sur le climat scolaire" souligne Madame Lebeau. De même, il est primordial d'entretenir ce réflexe sur le long terme en développant des campagnes de sensibilisation et d'information comme des panneaux d'affichage, des interventions dans les classes afin d'assurer la pérennité du dispositif. Enfin, pour assurer le bon déroulement au quotidien de la médiation et faciliter son recours, un protocole, simple, connu de tous, est mis en place.
Par ailleurs, tous les membres de la communauté éducative s'accordent sur l'importance que revêt le choix des médiateurs qui n'est pas toujours facile. Pour le recrutement des élèves, l'équipe a mis en avant deux critères principaux : la motivation et la bonne connaissance/compréhension de la médiation par les pairs. Aussi, le critère de la représentativité est respecté avec des élèves de tous niveaux. La professeure documentaliste souligne une difficulté qui est apparue dans la sélection des médiateurs. C'est celle de l'intégration ou non des élèves dont le comportement est difficile. Toutefois, elle a été vite surmontée par les membres du projet qui considère justement que la médiation étant un processus éducatif, ils y avaient toute leur place. Une fois choisis, les élèves vont dans leur mission rencontrer de nombreuses situations conflictuelles qu'ils doivent chercher à comprendre sans les juger. Pour se faire, une formation d'une durée de deux jours est indispensable (audio 3). Les objectifs de celle-ci sont nombreux et s'articulent autour des compétences psychosociales3. Les élèves apprennent à se connaître et à développer l’estime de soi. Ils réalisent de nombreux exercices basés sur l'écoute et la communication bienveillante et empathique. Ces derniers sont essentiels car pour les futurs élèves médiateurs, il s'agira d'abord d'écouter les faits exposés par leurs camarades en conflit pour être en capacité de les expliciter afin de proposer une solution adaptée permettant la résolution du problème.
Pour conclure, même s'il est difficile de juger en cours d'année d'une première expérience de médiation et de son influence sur le climat scolaire, un premier bilan a été réalisé. Selon Madame Lebeau "il est incontestable que cela a permis de canaliser les élèves dont le comportement est un peu fragile au collège. Ils commencent à prendre l'habitude d'aller en médiation. De plus, les élèves qui sont médiateurs sont très motivés, notamment ceux de la classe de 5e. Ils trouvent une autre place dans le collège, notamment vis-à-vis des adultes". Désormais, il faut songer à l'année prochaine. Ce sont les élèves, soutenus par les adultes, qui vont organiser la sensibilisation à la médiation par les pairs. Dans cette perspective, le club cinéma a réalisé et tourné un film afin que les élèves du collège puissent connaître ce dispositif et ainsi devenir les futurs médiateurs. La professeure documentaliste conclut : "l'ambition d'une telle action est de donner la parole et des responsabilités aux élèves afin qu'ils ne deviennent pas un simple rouage dans la société de demain. La parole, la communication non violente dans une société permet de tendre vers une paix sociale et de former des citoyens qui vont défendre des valeurs humanistes de tolérance et de respect".
1. (Les enfants scolarisés viennent principalement des quartiers d'Angers, respectivement 40 % et 60 % de la première et deuxième couronne d'Angers). Il y a 50 % des élèves dont les parents relèvent d'une CSP "défavorisée". Selon Monsieur Cerisier, principal du collège "ce sont des critères qui présentent des caractéristiques proches du classement REP".
2. Le chercheur Éric Debarbieux parle de micro-violences, c'est à dire "de petits faits répétitifs qui peuvent paraître mineurs mais qui conduisent à une dégradation du climat scolaire et entraînent des répercussions en termes de décrochage scolaire, de perte d’estime de soi, de dépression et, de fait, d’absentéisme".
3. Ces compétences sont liées à l’estime de soi et aux compétences relationnelles (relation à soi et relation aux autres). L’OMS en identifie dix principales qui vont par deux : Savoir résoudre les problèmes/Savoir prendre des décisions ; Avoir une pensée critique/Avoir une pensée créatrice ; Savoir communiquer efficacement/Être habile dans les relations interpersonnelles ; Avoir conscience de soi/Avoir de l’empathie pour les autres ; Savoir gérer son stress/Savoir gérer ses émotions.
auteur(s) :E. Ferreux
Le lien : https://www.pedagogie.ac-nantes.fr/innovation-pedagogique/echanger/des-e...